Le Son de la Terre est une chronique animée par Jérôme Sueur, écoacousticien à l’ISYEB, avec l’aide d’enregistrements des contributeurs de la sonothèque du Muséum national d’Histoire naturelle, d’audionaturalistes, et de scientifiques internationaux. Ces petits fragments d’histoire naturelle sonore mettent en lumière la diversité des comportements acoustiques de la vie animale et des paysages sonores naturels tout en dénonçant les activités humaines qui peuvent les affecter. De l’insecte à la baleine, des fonds marins à la canopée tropicale : les échos de la nature voyagent sur les ondes radio !
C’est l’heure du son de la Terre avec Jérôme Sueur. Aujourd’hui on écoute le chant des cigales..
La cigale asiatique © GettyQuel est ce son étrange ? D’où vient-il ?
« Toujours ce bruit de cigales, strident, immense, éternel, qui sort nuit et jour de ces campagnes japonaises (…) Il est obsédant, infatigable ; il est comme la manifestation, le bruit même de la vie spéciale à cette région de la Terre. « , nous racontait le grand voyageur Pierre Loti dans son récit oriental Madame Chrysanthème.
La cigale japonaise que nous venons d’entendre, enregistrée par Rodolphe Alexis à Takasaki au nord-ouest de Tokyo, a pour nom scientifique Meimuna opalifera et pour nom japonais tsuku-tsuku-boushi rappelant en quelque sorte son chant rythmé et modulé.
Les cigales sont très présentes dans les paysages et dans la culture asiatique au Japon comme au Vietnam, en Thaïlande ou en Chine. Elles sont utilisées en cuisine - il est probablement possible d’en trouver sur le marché de Wuhan - et en pharmacopée, par exemple pour aider les accouchement difficiles.
Elles symbolisent également la renaissance après la mort. Aux temps de la dynastie chinoise des Han, on plaçait sous la langue des morts une amulette de jade représentant une cigale. On espérait ainsi que le défunt, tout comme la larve de cigale, sortirait du monde souterrain, accéderait à une autre vie et parviendrait au rang d’immortel.
Aujourd’hui, c’est évidemment le chant des cigales qui nous intéresse comme celui la géante Pomponia dolosa enregistré par Michel Boulard en Thaïlande…
Ce qui frappe dans ce chant, comme dans celui de l’espèce japonaise, ce sont ces modulations de fréquences.
Comment les cigales font-elles pour chanter comme cela ?
Les cigales produisent des sons par la déformation rapide et répétée de cymbales situées à la base de leur abdomen qui entre également en vibration.
Ce système est l’équivalent d’un résonateur d’Helmholtz constitué d’une ouverture, d’un col et d’une cavité fermée.
L’exemple le plus simple de résonateur d’Helmholtz est celui de la bouteille de verre avec laquelle on peut produire un son en soufflant dedans. Si l’on change la taille du goulot, la hauteur du col ou le volume de la bouteille, on change la fréquence émise.
Un petit exemple. Mathieu, si vous soufflez dans une canette de bière en verre vous obtiendrez une fréquence élevée. Camille, si vous soufflez dans un magnum de champagne vous entendrez une fréquence grave.
Cannette et magnum sont tous les deux des résonateurs d’Helmholtz mais ils ont à l’évidence des tailles et des formes différentes et, de fait, des fréquences distinctes.
Quelle étrange comparaison…
Certes, les cigales ne sont pas des bouteilles de bière Tsingtao mais elles se comportent bien comme des résonateurs d’Helmholtz. L’abdomen creux forme la cavité du résonateur et les tympans, par lesquels ressortent les sons, constituent le col et l’ouverture du résonateur.
Or, les cigales asiatiques se dandinent quand elles chantent : elles étendent et contractent leur abdomen comme cette Orientopsaltria cantavis, également enregistrée par Michel Boulard…
Les mouvements corporels, bien visibles par l’œil humain, changent les propriétés géométriques et physiques du résonateur. A chaque mouvement, parfois rapide, la fréquence est modulée donnant cette sonorité unique, un peu folle, aux cigales asiatiques.
C’est donc bien en frétillant de l’arrière train que les cigales mâles sifflent les cigales femelles.
Le son de la Terre, une chronique de Jérôme Sueur en partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle et sa sonothèque avec pour cette chronique des enregistrements de Rodophe Alexis.
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