L’Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité est une unité CNRS du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, ayant aussi pour tutelles l’Université Pierre et Marie Curie et l’Ecole Pratique des Hautes Etudes.
L’UMR 7205 a pour objectif de répondre aux questions concernant l’origine de la biodiversité, les modalités de diversification des espèces, la mise en place des communautés animales en lien avec l’évolution spatio-temporelle des taxons. L’unité est un des pôles européens de systématique et contribue de manière importante à la taxonomie et à la biologie de l’évolution. Les approches de systématique phylogénétique privilégiées par l’unité sont intégratives et ont amené la conception d’outils taxonomiques, moléculaires, génétiques, acoustiques, cytogénétiques, morphologiques et morphométriques.
L’Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité (ISYEB) succède à l’OSEB depuis le 1er Janvier 2014. Les laboratoires de l’Institut se trouvent au Jardin des Plantes dans des bâtiments situés rue Buffon et rue Cuvier (Entomologie, Mammifères et Oiseaux, Malacologie, Botanique, Reptiles-Amphibiens, Géologie).
J'ai le plaisir de vous inviter à la soutenance de ma thèse, intitulée "Harmonic-hopping in the calls of Lebinthini crickets: input from comparative finite element modelling and geometric morphometrics".
La soutenance aura lieu en format hybride : Les personnes non disponibles en présentiel pourront suivre la soutenance en ligne sur Zoom.
Parmi la large gamme de mécanismes utilisés par les espèces vivantes pour communiquer, la production et la réception de signaux acoustiques constitue l’une des formes de communication les plus communes. La production de signaux acoustiques est décrite par un modèle, divisé en deux parties distinctes, nommé mécanisme « source-filtre ». La source est constituée de structures qui permettent de produire des séries périodiques d'impulsions d'énergie mécanique qui sont transmises à la seconde partie, le filtre. Le filtre est constitué de structures résonantes, dont la résonance amplifie certaines fréquences du signal source. Un signal acoustique se décompose en une série de fréquences (le spectre) parmi lesquelles on distingue la fréquence fondamentale, la plus basse, et les harmoniques, multiples entiers de la fondamentale. Enfin, la fréquence dominante du signal désigne la fréquence véhiculant le plus d’énergie au sein du spectre.
Des études ont montré que certaines espèces animales sont capables de produire des sons caractérisés par une fréquence harmonique dominante. La dominance d'une fréquence harmonique dans un signal acoustique entraîne des conséquences en termes d'information véhiculée et de propagation du signal, affectant les interactions inter- comme intraspécifiques. L’émergence de ces signaux correspond à un évènement évolutif caractérisé par une transition de dominance entre deux fréquences du spectre, nommé « saut d’harmonique ». Malgré la présence de ces signaux dans une grande variété de groupes taxonomiques (chiroptères, anoures, oiseaux, insectes, etc.), les mécanismes physiques et évolutifs sous-tendant l’émergence et la production de ces signaux au sein du modèle source-filtre restent mal compris.
Les grillons de la sous-famille Eneopterinae sont un exemple frappant d'un groupe taxonomique dans lequel les signaux à harmonique dominant sont nombreux et diversifiés. Dans le cadre de la reproduction, les males grillons produisent des signaux acoustiques via le frottement de leurs ailes antérieures. Lors de la première étape de la production du son, la stridulation, une série de dents cuticulaires située sous l'aile droite, la râpe stridulatoire, vient frotter le plectrum, le bord épaissi de l'aile gauche. La deuxième étape consiste en l'interaction du signal vibratoire produit par ce frottement avec la membrane des deux ailes, qui agit comme un résonateur mécanique. Plusieurs études menées chez ces grillons ont suggéré que l'émergence de signaux à dominante harmonique est liée à des changements dans les propriétés physiques de la membrane des ailes au cours de l’histoire évolutive. L’objectif de cette thèse consiste d’une part à approfondir l’étude des mécanismes physiques sous-jacents à la production de ces signaux, et d’autre part à élucider les fondements biophysiques et morphologiques expliquant leur émergence au cours de l’histoire évolutive.
Dans un premier temps, nous employons la vibrométrie laser Doppler ainsi que la modélisation par la méthode des éléments finis afin de caractériser et d’étudier les propriétés de résonance des ailes antérieures de deux espèces de grillons Eneopterinae, l’une produisant des signaux à harmonique dominant, l’autre non. La construction de modèles numériques nous permet de mettre en évidence les paramètres physiques qui distinguent les ailes des deux espèces l’une de l’autre. Les résultats obtenus mettent en évidence le rôle essentiel de deux paramètres dans la production de signaux à harmoniques dominant : la contrainte mécanique exercée par la nervation, et l’amortissement physique de la membrane. Dans un second temps, nous employons la morphométrie géométrique ainsi que des analyses comparatives phylogénétiques afin d’étudier les modalités d’évolution de la forme des ailes à l’échelle de la sous-famille. Nos résultats mettent en évidence le rôle de l’évolution de la forme au sein des évènements de saut d’harmonique connus au cours de l’histoire évolutive de ses animaux.
Abstract
Among the wide range of mechanisms used by living species to communicate, the production and reception of acoustic signals is one of the most common forms of communication. The production of acoustic signals is described by a model, divided into two distinct parts, known as the "source-filter" mechanism. The source is made up of structures that produce periodic series of pulses of mechanical energy that are transmitted to the second part, the filter. The filter is made up of resonant structures whose resonance amplifies certain frequencies of the source signal. An acoustic signal can be broken down into a series of frequencies (the spectrum), including the fundamental frequency, which is the lowest, and the harmonics, which are integer multiples of the fundamental. Finally, the dominant frequency of the signal designates the frequency carrying the most energy within the spectrum.
Studies have shown that certain animal species can produce sounds characterised by a dominant harmonic frequency. The dominance of a harmonic frequency in an acoustic signal has consequences in terms of the information conveyed and the propagation of the signal, affecting both inter- and intraspecific interactions. The emergence of these signals corresponds to an evolutionary event characterised by a transition in dominance between two frequencies in the spectrum, known as a "harmonic-hopping". Despite the presence of these signals in a wide variety of taxonomic groups (chiropterans, anurans, birds, insects, etc.), the physical and evolutionary mechanisms underlying the emergence and production of these signals within the source-filter model remain poorly understood.
The crickets of the subfamily Eneopterinae are a striking example of a taxonomic group in which dominant harmonic signals are numerous and diverse. During reproduction, male crickets produce acoustic signals by rubbing their forewings. During the first stage of sound production, stridulation, a series of cuticular teeth on the underside of the right forewing, the stridulatory file, rub the plectrum, the thickened edge of the left forewing. The second stage consists of the interaction of the vibratory signal produced by this friction with the membrane of the two forewings, which acts as a mechanical resonator. Several studies carried out in these crickets have suggested that the emergence of predominantly harmonic signals is linked to changes in the physical properties of the forewing membrane over the course of evolutionary history. The aim of this thesis is to further investigate the physical mechanisms underlying the production of these signals and to elucidate the biophysical and morphological basis for their emergence during evolutionary history.
Firstly, we are using laser Doppler vibrometry and finite element modelling to characterise and study the resonant properties of the forewings of two species of Eneopterinae crickets, one producing harmonic dominant signals and the other not. The construction of numerical models enabled us to highlight the physical parameters that distinguish the forewings of the two species from one another. The results obtained highlight the essential role of two parameters in the production of signals with dominant harmonics: the mechanical constraint exerted by the venation, and the damping of the membrane. Secondly, we used geometric morphometrics and comparative phylogenetic analyses to study how forewing shape evolved at the subfamily level. Our results highlight the role of shape evolution within the harmonic-hopping events known during the evolutionary history of these animals.
À la suite de la soutenance, vous êtes invités à un pot aux environs de 17h30 - 18h au Muséum pour célébrer ce moment tous ensemble!
Publié le : 18/06/2024 10:23 - Mis à jour le : 18/06/2024 10:38
Jeudi 10 Octobre à 14h - Salle C404 à l'IBPS au 4ème étage du bâtiment C de la barre Cassan sur le campus de Jussieu à Sorbonne Université. (Voir plan ci-dessous)