Marc-André Selosse, Professeur à l’ISYEB présente chaque mercredi à 14h50 sa  » Chronique du vivant » sur France Inter Il nous fait découvrir comment le vivant structure nos vies et notre environnement sous l’égide du Muséum national d’Histoire naturelle

Pour la dernière chronique du Vivant , Marc André Selosse nous raconte les feuilles et les pétales en partenariat avec le MNHN

Pour votre dernière chronique aujourd’hui, vous nous parlez aujourd’hui de feuilles et de pétales ? 

Oui, Mathieu ! Feuilles et pétales sont minces et aplatis, avec une surface mate ou brillante. Ils sont tellement minces qu’ils devraient être transparents ! Je vous ai apporté une rose : prenez un pétale devant l’œil et essayez de voir à travers ? 

Je ne vois, rien bien sûr ! 

Ce serait pareil, mais moins romantique, avec une feuille de salade. Ca ne vous choque pas… mais cette opacité est bizarre ! Les cellules des feuilles sont à 90% faites d’eau et la lumière devrait passer à travers : les feuilles et les pétales devraient être transparents ! Car ils sont très minces – bien moins d’un millimètre ! Même avec des débris en suspension, une couche d’eau aussi mince serait transparente ! 

Voilà un aspect ordinaire qui ne nous pose pas de problème, alors qu’il repose sur une particularité étonnante du végétal. Pour résoudre ce paradoxe, faisons un détour par la structure des feuilles et des pétales. Leurs cellules sont entourées d’une petite capsule, appelée la paroi. Imbibée d’eau et très mince, elle est aussi translucide que les cellules elles-mêmes. Les parois des cellules voisines sont collées entre elles, seulement voilà : il y a ici et là de minuscules cavités entre les parois. Ces trous, reliés entre eux, forment un réseau rempli d’air, qui débouche en surface par des ouvertures nommées stomates. Feuilles et pétales sont veinés de microcavités gazeuses. 

A quoi sert ce réseau de cavités ? 

Il amène le CO2 pour la photosynthèse de la feuille le jour, et l’oxygène qui sert à la respiration : en effet, un pétale respire, de même que les feuilles respirent durant la nuit.  

Et il y a du gaz à tous les étages, dans la plante ! Ce réseau de cavités se poursuit jusque dans la tige elle-même, dont les cellules respirent ainsi. Il existe d’ailleurs de minuscules ouvertures sur les écorces : ce sont ces petits points qui ponctuent les jeunes branches, quand on les regarde de près. Le réseau arrive jusqu’aux racines, auxquelles il apporte de l’oxygène ! 

Mais en quoi cela explique-t-il que les feuilles ne sont pas transparentes ? 

Agitez la main dans un aquarium : des bulles argentées se forment, comme lorsque des plongeurs expulsent de l’air. Les bulles réfléchissent la lumière car lorsque la lumière arrive à la jonction entre air et eau, elle est déviée ou réfléchie : les rayons lumineux partent en toutes directions, ce qui explique l’aspect argenté des bulles… L’eau perd de sa transparence. Autre exemple : dans le sillage d’un bateau, l’eau pleine de bulles renvoie la lumière et devient blanche. 

Feuilles et pétales sont faits d’eau et de cavités remplies d’air qui renvoient aussi la lumière dans toutes directions - cette lumière est, dans leur cas, colorée, par exemple en vert par la chlorophylle.  

Sans ces réseaux respiratoires, les feuilles seraient transparentes ? 

En tout cas, plus translucides, oui ! Il faut réfléchir sur ce qui nous entoure habituellement : cela permet souvent de saisir des propriétés du vivant. Nous venons de découvrir comment feuilles et pétales portent la marque visible de la façon dont les plantes échangent avec l’air ! 

C’était votre dernière  « chronique du vivant » Marc-André SELOSSE, en partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle. Merci beaucoup d’avoir passé cette saison avec nous.  

Pour ceux qui souhaite passer un petit bout de vacance avec vous, on peut lire vos deux livres, « Jamais seul » sur les microbes et « Les goûts et les couleurs du monde » sur les tannins, parus chez Actes Sud ! 

Published on: 06/07/2021 16:10 - Updated on: 06/07/2021 16:10

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