Marc-André Selosse, Professeur à l’ISYEB présente chaque mercredi à 14h50 sa » Chronique du vivant » sur France Inter Il nous fait découvrir comment le vivant structure nos vies et notre environnement sous l’égide du Muséum national d’Histoire naturelle
Marc André Selosse précisait la semaine dernière que certains virus intègrent leur matériel génétique à celui de la cellule où ils entrent, sans la détruire. Celle-ci se multiplie en descendants qui contiennent le virus dans leur génome. Ces virus s’activent sporadiquement… mais des mutations peuvent les inactiver. Pour limiter ce risque, ils se multiplient à l’intérieur du génome, ce qui préserve des copies fonctionnelles du virus. Il n’empêche : certains se fossilisent parfois dans les génomes des cellules ! Ainsi, 5 à 8% du génome humain est fait de copies de virus du groupe des rétrovirus. Issus d’infections âgées de dizaines de millions d’années, accumulés au cours de l’évolution des primates, ces virus sont devenus d’inoffensifs compagnons ordinaires.
Mais en quoi est-ce bénéfique, alors ? Ces virus, réduits à des morceaux d’ADN du génome, sont souvent inutiles. Mais comme ils sont là, certaines fonctions apparaissent parfois grâce à eux. Chez l’homme, le gène de l’amylase salivaire, une enzyme qui digère l’amidon, est activé dans les glandes salivaires par un bout de retrovirus, qui autrefois activait des gènes viraux… Une structure animale doit beaucoup aux virus : le placenta. Il permet les échanges entre la mère et l’embryon, et tient à distance les cellules immunitaires maternelles qui pourraient attaquer l’embryon. Pour cela, les cellules externes du placenta fusionnent en une cellule géante, formant une barrière continue. La protéine permettant cette fusion, la syncitine, provient d’un gène de rétrovirus. Elle sert normalement à fusionner le rétrovirus avec la cellule à parasiter ; la syncitine a été utilement adoptée et adaptée ! Ce détournement s’est passé plusieurs fois dans l’évolution : chez nos ancêtres, chez ceux des rongeurs, mais aussi ceux de lézards, les Mabuya, qui ont une gestation des petits…
Il y a d’autres exemples ? Les oenologues connaissent les levures killer, ainsi dénommées car elles tuent les autres levures quand elles s’introduisent dans une cuve. Souvent, on inocule d’emblée des levures killer, qui vinifient en évitant tout risque d’interruption de la fermentation. Or, ce caractère killer est dû à un virus présent dans ces levures. Il produit une toxine et une antitoxine : cela tue les autres levures et fait place nette pour celles contenant le virus.
Nous-mêmes nous sommes faits des alliés combattants parmi les virus : nous élevons des virus mutants qui ne se multiplient plus chez l’homme, mais nous immunisent après injection. C’est le principe des vaccins contre la rougeole, les oreillons ou la rubéole. D’ailleurs, le vaccin AstraZeneca et le vaccin russe Spoutnik utilisent des adénovirus pour introduire leur produit actif dans nos cellules.
Il existe enfin une façon de lutter contre les bactéries infectieuses avec des virus qui les tuent : cette stratégie, la phagothérapie, avait été étudiée avant l’apparition des antibiotiques, qui l’ont supplanté. Actuellement, avec l’émergence des résistances aux antibiotiques, la phagothérapie refait surface en recherche !
Ils sont fréquents, les « bons » virus ? On l’ignore encore, car étudier les virus reste difficile : nous les connaissons aussi peu que nous connaissions des bactéries en 1970. Mais les tissus sains des plantes et des animaux sont bourrés de virus, sans doute utiles !
Nous connaissons les virus délétères, mais bien moins ceux qui aident à vivre ! Pourtant, en matière de virus comme ailleurs en biologie, rien n’est purement bon ou mauvais.
C’était la « chronique du vivant » de Marc-André SELOSSE, en partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle, à réécouter sur Franceinter.fr
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