Jérôme, il me semble que ce sont des percussions comme la semaine dernière. Mais qui tape sur quoi cette fois-ci ?

Mathieu pour cette chronique nous allons parler, pour la première fois, des productions sonores humaines.

Nous venons d'entendre des sons issus d'orgues minérales formées par des draperies de stalagmites. Cet enregistrement extrait du film de Pascal Goblot « Sapiens, et la musique fut », prochainement sur Arte, a été réalisé dans la Grotte de Saint-Cézaire, près de Nice.

Ces stalagmites constituent des lithophones, littéralement des pierres sonores, constitués de calcite et d’aragonite. 

Est-ce que l'on connaît beaucoup d'exemples de lithophones ?

De telles pierres musicales ont été trouvées dans de nombreuses grottes dans le Lot et à Nerja en Espagne où il est possible d’entendre neuf notes depuis le do de quatrième octave au sol de cinquième octave.

Les ornementations colorées, les traces d'incision et de percussion sur les concrétions laissent supposer que les hommes préhistoriques utilisaient réellement ces lithophones entre -22 000 et -8 000 ans. Augmentés par les échos musicaux des parois des grottes, ces sons prenaient peut-être part à des cérémonies rituelles.

Les stalagmites sont des instruments statiques, il faut entrer dans les grottes pour les entendre, mais connaît-on des lithophones en dehors des grottes ?

Absolument Mathieu, voici un exemple de lithophone portable dont vous pourrez apprécier la sonorité cristalline...

Ce lithophone a été trouvé, un peu par hasard, il y a quelques années, dans les collections du Musée de l'Homme par Erik Gonthier, chercheur au Muséum. Il s'agit d'un monolithe de chlorito-schiste, une roche métamorphique.

A quoi ressemblent-ils ?

La pierre est un cylindre plein, taillé et poli, venant du désert du Ténéré dans le Sahara nigérien et datant d'environ 8 000 ans. Cet instrument ressemble à un long pilon mais il n'en a pas la fonction. 

Pesant seulement quelques kilos, ces lithophones sont facilement transportables. Ces instruments ont voyagé dès leurs premières utilisations puisqu'ils ont été, pour certains, trouvés à plus de 5 000 km du plus proche gisement métamorphique d'où ils auraient pu être extraits.

Leur forme cylindrique et leur structure homogène assurent une clarté acoustique remarquable. Une seule percussion de quelques grammes par millimètres carrés génère des ondes transversales et longitudinales qui forment un son puissant et harmonique de plusieurs secondes. 

Ces roches nous transportent plusieurs millénaires en arrière en reproduisant un son fossile resté inchangé depuis leur première utilisation. 

Mais quelle musique ces pierres permettaient-elles de produire ?

Malheureusement, nous n'avons pas trace des usages musicaux des lithophones. Cependant, comme tout instrument de musique, ils ont été facturés pour être joués.

En 2014, le Muséum a commandé au compositeur Philippe Fénelon une création musicale à partir de 22 lithophones néolithiques joués par les percussionnistes de l'Orchestre National de France de Radio France et accompagnés par un texte d'Erik Gonthier...

Et voilà comment la musicalité de pierres multiséculaires revit le temps d'un concert muséal et d'une chronique éphémère. 

Fermons les yeux, ouvrons les oreilles et écoutons le son de la terre par la musique des pierres, ce sera bien !

Le son de la Terre, une chronique de Jérôme Sueur en partenariat avec le Muséum national d'Histoire naturelle avec l’aide pour cette chronique de Catherine Prin de France Musique, et des enregistrements d'Erik Gonthier. 

Publié le : 22/02/2021 16:49 - Mis à jour le : 22/02/2021 16:49

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