Le son qui a été élu le plus beau son de la Terre est une ambiance sonore aux fréquences parfaitement équilibrées autour d'une mare du Parc national de Kubah sur l'île de Bornéo.
Bornéo est ce que l'on appelle un point chaud de la biodiversité, c’est-à-dire un lieu où se concentre une très forte diversité animale, végétale, bactérienne et géologique menacée par les activités humaines.
Bornéo occupe seulement 1% des terres émergées de la Terre mais abrite 6% de la biodiversité mondiale avec plus de 15 000 espèces de plantes, 630 d'oiseaux, 288 de mammifères, 100 d'amphibiens et un nombre difficilement estimable d'arthropodes.
Toutes ces espèces sont malheureusement menacées par l’exploitation minière et la monoculture de palmiers à huile.
S’il y a une si grande biodiversité à Bornéo, c’est qu’il y a aussi de grande diversité de sons, j’imagine...
Avec toute cette diversité, il n'est pas étonnant que Bornéo soit l'un des théâtres sonores terrestres les plus fantastiques.
Dans cette multitude de gouttes sonores crystallines sonne Metaphrynella sundana, une toute petite grenouille qui se cache dans des trous de troncs d'arbres emplis d'eau. C'est dans ces cavités sombres que la femelle dépose ses œufs mais c'est aussi là que le mâle émet son chant de séduction.
J'ai évoqué la semaine dernière les résonateurs des cigales d'Asie du Sud-Est, celles qui remuent du derrière.
La cavité où loge la grenouille est aussi un résonateur mais sa taille dépend de la quantité d'eau présente : plus le trou est rempli d'eau plus la colonne d'air est courte et donc la fréquence de résonance de la cavité est haute. Il n'existe donc pas de cavité typique qui correspondrait exactement aux vocalisations de la petite grenouille.
La solution trouvée par la grenouille est de tester les caractéristiques acoustiques de la cavité en faisant varier ses coassements jusqu'à ce qu'elle trouve la bonne fréquence amplifiée par le tronc d'arbre. La grenouille accorde donc son chant à la chambre acoustique formée par le végétal.
Bornéo est aussi réputée pour ses orang-outans.
Oui, l’orang-outan, ce grand singe arboricole, cet “homme des forêts”, traduction littérale de son nom malais, menacé par l’homme des villes.
L'orang-outan de Bornéo (Pongo pygmaeus) n'a pas besoin d'un artifice pour communiquer à longue distance. Ses vocalisations portent jusqu’à un kilomètre de distance.
La société des orang-outans est construite sur un modèle fission-fusion avec des séparations et des rencontres selon le contexte, l'environnement. Les individus sont donc souvent dispersés dans leur habitat. Les vocalisations longue-distance émises par les mâles fonctionnent comme des déclarations de leur présence dans la forêt et établissent les liens entre dominants et dominés.
Par ailleurs l'orientation des vocalisations des mâles semble indiquer la direction d’un futur déplacement, quelque chose comme "attention j'arrive !". Ces vocalisations révèlent un comportement d’anticipation, une projection dans le futur : c’est un phénomène unique chez les primates non humains.
La forêt de Bornéo recèle mille et un secrets sonores qu’il reste à écouter avant qu’elle ne soit transformée en pâte à tartiner.
Le son de la Terre, une chronique de Jérôme Sueur en partenariat avec le Muséum national d'Histoire naturelle avec pour cette chronique les plus beaux sons de la Terre enregistrés par Marc Anderson de Wild Ambience.
Références :