Le Son de la Terre est une chronique animée par Jérôme Sueur, écoacousticien à l'ISYEB, avec l'aide d'enregistrements des contributeurs de la sonothèque du Muséum national d'Histoire naturelle, d'audionaturalistes, et de scientifiques internationaux. Ces petits fragments d'histoire naturelle sonore mettent en lumière la diversité des comportements acoustiques de la vie animale et des paysages sonores naturels tout en dénonçant les activités humaines qui peuvent les affecter. De l'insecte à la baleine, des fonds marins à la canopée tropicale : les échos de la nature voyagent sur les ondes radio !

 

On écoute le son de la couche de glace avec Jérome Sueur du MNHN.

Mais que vient-on d'écouter Jérôme ?

Il s'agit d'un enregistrement réalisé par l’audio-naturaliste Marc Namblard. Marc Namblard a enregistré il y a quelques années les lacs gelés des Vosges en plaçant des microphones sur la glace ou en plongeant des hydrophones sous la glace. 

 

Qu'est-ce qui provoque ces sons ?

Ces ovnis sonores que l'on croirait électroniques résultent d'un phénomène totalement naturel. Henry David Thoreau, naturaliste et philosophe états-unien du XIXe siècle, les écoutait déjà dans son étang de Walden dans le Massachusetts :

"Dehors, sur l'étang silencieux,

La glace agitée craque,

Et les lutins de l'étang gambadent

Dans l'assourdissant fracas."

La couche de glace vit, elle évolue par ses fractures, ses glissements, ses frottements.

Tous ces mouvements génèrent des impulsions sonores, des ondes de Lamb qui voyagent à plusieurs centaines de mètres par seconde dans la couche de glace qui fonctionne comme un guide d'ondes, c'est-à-dire comme une sorte de plaque à l'intérieur de laquelle le son rebondit. 

Mais tout n'est pas si simple, les fréquences des ondes ne se déplacent pas à la même vitesse dans la glace : les fréquences aiguës voyagent plus vite que les fréquences basses. Les sons aigus arrivent donc avant les graves créant ainsi une modulation de fréquence, un glissando descendant.

La fréquence terminale du glissando dépend de l'épaisseur de la glace : plus la glace est épaisse, plus la fréquence est basse. Une oreille de musicien bien entraînée pourrait ainsi estimer l'épaisseur de la glace en la frappant et en écoutant les sons qui en sortent.

D’ailleurs, selon Nico Declercq du Georgia Institute of Technology, si l'on entend une note plus grave qu'un Mi de la troisième octave, on peut alors patiner sans craindre un bain glacé. 

Est-ce qu’il existe d’autres sons de glace ?

Voici un autre son, très rare, enregistré cette fois par Boris Jollivet, pionnier de l’enregistrement gelé. Il s’agit d’un son de carillon à l’heure de la débâcle quand les derniers petits morceaux de glace translucides s’entrechoquent sous le mouvement des vaguelettes qui terminent leur course sur le bords du lac...

Tous ces sons glacés sont sous le régime du réchauffement climatique, les lacs gelés des plaines disparaissent et leurs chants de sirènes avec eux. 

Alors fermons les yeux, ouvrons les oreilles, écoutons le froid avant qu'il ne soit trop tard, ce sera déjà ça.

Le son de la Terre, une chronique de Jérôme Sueur en partenariat avec le Muséum national d'Histoire naturelle et sa sonothèque avec pour cette chronique des sons de Marc Namblard et Boris Jollivet

 
 
Publié le : 21/12/2020 15:47 - Mis à jour le : 21/12/2020 15:48

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