Le Son de la Terre est une chronique animée par Jérôme Sueur, écoacousticien à l'ISYEB, avec l'aide d'enregistrements des contributeurs de la sonothèque du Muséum national d'Histoire naturelle, d'audionaturalistes, et de scientifiques internationaux. Ces petits fragments d'histoire naturelle sonore mettent en lumière la diversité des comportements acoustiques de la vie animale et des paysages sonores naturels tout en dénonçant les activités humaines qui peuvent les affecter. De l'insecte à la baleine, des fonds marins à la canopée tropicale : les échos de la nature voyagent sur les ondes radio

"Les jolies colonies de vacances"  pour écouter cliquer ici

Vous souvenez-vous de vos jolies colonies de vacances avec le Petit Nicolas au Camp Bleu à Plage-les-Trous ? 

Vous avez certainement bien rigolé, mais acoustiquement ce devait était affreux, non ? Des cris et des hurlements pour la bonne chambre, le bon lit, les bonnes activités, le bon flirt. Moi, moi, moi !

Figurez-vous que chez les éléphants de mer du Nord, (Mirounga angustirostris), c'est-à-peu près la même histoire.  

Les éléphants de mer du Nord sont des animaux sociaux qui vivent dans des colonies de plusieurs milliers d'individus installés sur les plages de la côte ouest des Etats-Unis et du Canada. 

La compétition entre les mâles pour l'accès aux femelles est extrêmement forte : seuls 5% des mâles atteignent la maturité sexuelle, et moins de 1% peuvent se reproduire. Des chiffres sincèrement déprimants qui expliquent les comportements agressifs entre mâles hyper motivés qui combattent et parfois se blessent. 

Ces comportements agonistiques permettent de mettre en place une hiérarchie. La connaissance et la mémorisation des individus dominants et dominés permet d'éviter de nouveaux affrontements et donc de nouvelles blessures.

Chez les éléphants de mer du Nord, cette connaissance de l'autre, qui est un fondamental de la vie en groupe, est assurée par la voix.  

Isabelle Charrier du CNRS à l'Université Paris-Saclay et Nicolas Mathevon de l'Université de Saint-Etienne ont étudié avec des collègues de l'Université de Californie Santa-Cruz l'identification vocale des éléphants de mer sur des plages de Californie, hauts lieux de la compétition sexuelle. Dans les extraits sonores de deux mâles en train de se battre, la description des vocalisations révèle que chaque mâle possède une voix qui leur est propre, caractérisée par son timbre, c'est-à-dire ses propriétés fréquentielles, et son rythme, notamment le tempo d'émission des impulsions sonores, une propriété unique chez les mammifères non-humains. Cette signature vocale permet donc d'identifier le statut social des autres, dominant ou dominé.  

Est-ce que les mâles muent ? 

A l'âge du Petit Nicolas, les garçons ont des voix fluides et sonores comme un cours d'eau. Avec la puberté, leurs voix changent avec leur morphologie pour devenir plus grave, plus sèche, plus terrestre en quelque sorte. Chez les éléphants de mer, la transition est plus douce car la voix des mâles ne se pose qu'après plusieurs années. Les chercheurs ont pu démontrer que l'individualité vocale, qui ici rime avec individualisme sexuel, se met en place sur quatre années, entre 4 et 8 ans. Si l'on écoute un mâle enregistré à 4 ans, 6 ans et lorsqu’il est adulte : l'évolution vers la stabilité vocale s'accompagne d'une réduction de la taille du territoire et d'une augmentation des interactions sociales construisant ainsi un large réseau de connaissances selon un droit d’aînesse, des ennemis Facebook si vous voulez. 

Voilà comme cela se passe chez les éléphants de mer, fermez les yeux, ouvrez les oreilles sans vous battre, ça sera mieux.  

Le son de la Terre, une chronique de Jérôme Sueur de l'ISYEB en partenariat avec le Muséum national d'Histoire naturelle et sa sonothèque. 

 

 

 

 

Publié le : 25/09/2020 15:03 - Mis à jour le : 29/09/2020 08:18

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