Le Son de la Terre est une chronique animée par Jérôme Sueur, écoacousticien à l'ISYEB,  avec l'aide d'enregistrements des contributeurs de la sonothèque du Muséum national d'Histoire naturelle, d'audionaturalistes, et de scientifiques internationaux. Ces petits fragments d'histoire naturelle sonore mettent en lumière la diversité des comportements acoustiques de la vie animale et des paysages sonores naturels tout en dénonçant les activités humaines qui peuvent les affecter. De l'insecte à la baleine, des fonds marins à la canopée tropicale : les échos de la nature voyagent sur les ondes radio !

Les motards, comme de nombreux animaux, veulent se faire croire plus gros qu'ils ne sont en faisant plus de bruit qu'ils ne pourraient avec leur seule voix.

Une moto passe sous les fenêtres du  laboratoire de Jérome Sueur... Mais quel rapport avec les sons de la nature ? Mais tout simplement parce que les motards sont des animaux - ce n'est pas une insulte : les motards, comme de nombreux animaux, veulent se faire croire plus gros qu'ils ne sont en faisant plus de bruit qu'ils ne pourraient avec leur seule voix. 

Comme pour le cerf, il existe cette règle assez simple en acoustique pour les mâles : plus on chante grave et fort, plus on repousse les concurrents et plus on est choisi par les femelles. Mais certains mâles trichent : ils paraissent plus grands et plus forts qu'ils ne le sont en réalité en forçant le trait, un peu comme les acteurs de théâtre Nô qui portent des masques rendant leurs voix graves. Un exemple remarquable d'exagération acoustique sont les cris des singes hurleurs (Alouatta macconelli) comme ici dans cet enregistrement de Fernand Deroussen réalisé en Guyane :

Mais comment fait le singe hurleur pour hurler comme ça ? Les singes hurleurs possèdent un larynx avec un os hyoïde ventral en forme de cuvette contenant un sac vocal. Ce sac laryngé est une caisse de résonance qui grandit la gorge abaissant les fréquences et augmentant le volume sonore. Lorsque les singes investissent dans les hurlements, un trait sexuel pré-copulatoire, ils n'investissent pas dans la production de gamètes, un trait sexuel post-copulatoire : les singes à large os hyoïdiens ont des testicules de taille réduite. 

Un autre exemple d’exagération ? Un autre cas remarquable est celui du koala, vous savez cet adorable marsupial d'Australie, "oh papa il est trop mignon j'en veux un dans le jardin, s’te plaît, s’te plaît, s’te plaît ". Son regard myope et son sourire débonnaire nous laisse penser qu'il gazouille quand on le gratouille. 

Est-ce que le koala hurle donc comme le singe hurleur ? Le résultat est à peu près similaire mais la manière est différente. Les mugissements du koala sont en fait 20 fois plus graves que ceux attendus pour un animal de son poids, de quelques kilos. Ces hurlements se rapprochent plus de ceux d'un animal de la taille d'un éléphant. Benjamin Charlton a découvert une curiosité anatomique dans l'appareil vocal du marsupial australien. Le koala a des cordes vocales qui ne sont pas situées dans mais au-dessus du larynx au niveau du palais mou ou velum. Ces cordes vocales sont trois fois plus longues et 700 fois plus lourdes que des cordes vocales de taille moyenne des mammifères. Elles vibrent donc à des fréquences beaucoup plus basses. 

Finalement, on tourne toujours autour de la même idée de séduction : exagérer pour se faire remarquer. Les uns avec leur scooter aux pots d'échappement démesurés, les autres avec leurs cris anormalement graves et intenses.   

Alors, fermez les yeux, ouvrez les oreilles, roulez sans moteurs, ça ira mieux.

Le son de la Terre, une chronique de Jérôme Sueur en partenariat avec le Muséum national d'Histoire naturelle.

Allez Plus Loin

Publié le : 25/01/2021 17:46 - Mis à jour le : 25/01/2021 18:29

À voir aussi...