Le Son de la Terre est une chronique animée par Jérôme Sueur, écoacousticien à l’ISYEB, avec l’aide d’enregistrements des contributeurs de la sonothèque du Muséum national d’Histoire naturelle, d’audionaturalistes, et de scientifiques internationaux. Ces petits fragments d’histoire naturelle sonore mettent en lumière la diversité des comportements acoustiques de la vie animale et des paysages sonores naturels tout en dénonçant les activités humaines qui peuvent les affecter. De l’insecte à la baleine, des fonds marins à la canopée tropicale : les échos de la nature voyagent sur les ondes radio !
Alors qu’il se promène dans les allées du Jardin des Plantes, Jérôime Sueur croise un étudiant portant en bandoulière une petite enceinte qui joue une musique forte, un peu boum-boum, une musique pas très France Inter à vrai dire. Cette enceinte, pas la musique, lui fait penser à un son
Ce doux son d’une chaude nuit de fin d’été est dû à un insecte fragile, le grillon d’Italie (Oecanthus pellucens) qui, comme tous les grillons, stridule : il soulève et frotte ses grandes ailes diaphanes l’une contre l’autre.
Ce grattement créé un son pur et délicat dont l’intensité peut être faible car les ondes produites devant et derrière les ailes s’autodétruisent lorsqu’elles se croisent sur le côté.
Mais comment font-ils alors pour produire un son aussi intense ?
Il existe une solution très simple à ce problème acoustique, une solution bien connue des audiophiles. Il suffit d’entourer la source vibrante d’une paroi rigide. Cette paroi, ou baffle, grandit artificiellement la taille de l’émetteur, limite l’autodestruction des ondes sur le côté et augmente donc la puissance acoustique.
Certains grillons, bien malins, se positionnent dans la végétation de telle manière qu’une ou plusieurs feuilles les entourent. Ces feuilles jouent le rôle de baffle réduisant les pertes sonores.
Certaines espèces viennent même à grignoter un trou dans une grande feuille et se placent dans ce trou, entouré de tissu végétal, en position idéale.
On entendait avant des grillons dans le métro parisien, comment font donc les grillons des villes ?
Des chercheurs (Bettina Erregger et Arne Schmidt) de l’Université d’Autriche ont montré que les grillons du Panama (Anurogryllus muticus), qui peuvent investir les constructions humaines, occupent des postes de chants qui augmentent l’intensité de leurs stridulations.
Les grillons se placent contre des murs, dans des escaliers en béton ou dans des gouttières dont les surfaces dures réfléchissent les sons et amplifient la stridulation. Ces insectes trouvent donc de nouvelles stratégies dans un environnement bien différent de leur habitat naturel.
Mais la palme de la construction acoustique revient certainement aux courtillières (Gryllotalpa spp.), ces drôles d’insectes fouisseurs que l’on trouvait autrefois en grand nombre dans les jardins.
Ces insectes creusent des galeries dont la forme et les ouvertures vers l’extérieur constituent une caisse de résonnance. En se positionnant exactement entre les cônes de sortie et la chambre centrale souterraine, les courtillières utilisent leurs terriers comme des enceintes qui concentrent l’énergie sonore sur une seule bande de fréquence produisant un son pur et intense, audible à plusieurs centaines de mètres.
Finalement tous ces insectes font un peu comme cet étudiant du Jardin des Plantes : ils imposent à tous leurs désirs grâce à des extensions d’eux-mêmes - des baffles ou des enceintes. Mais la musique n’est pas vraiment la même.
Fermez les yeux, ouvrez les oreilles, mettez un casque, vous entendrez mieux.
Le son de la Terre, une chronique de Jérôme Sueur en partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle et sa sonothèque, avec pour cette chronique des enregistrements de Fernand Deroussen et Laure Desutter.
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