Le Son de la Terre est une chronique animée par Jérôme Sueur avec l'aide d'enregistrements des contributeurs de la sonothèque du Muséum national d'Histoire naturelle, d'audionaturalistes, et de scientifiques internationaux.
Chaque lundi à 14h50 dans la terre au carré sur France Inter.

L'araignée-loup : ecoutez ici

Toute une faune discrète vit dans un fouillis de matière organique en décomposition. C'est là sur des feuilles sèches que la petite araignée-loup, Hygrolycosa rubrofasciata [Lycosidae], se fait entendre. Elle chasse aussi pour se nourrir et l'une de ses proies préférées est le petit grillon des bois, Nemobius sylvestri

l faut savoir parfois s'attarder sur les petites choses, prêter l'oreille aux petits sons que nos pas pourraient piétiner.  les sons, enregistrés par Marc Namblard, preneur de sons nature, viennent de la litière, là où meurent les feuilles et où vit toute une faune discrète dans un fouillis de matière organique en décomposition.

C'est là sur des feuilles sèches que la petite araignée-loup, Hygrolycosa rubrofasciata [Lycosidae], se fait entendre. Ces tambourinements sont dus aux mâles qui tapotent leurs abdomens contre les feuilles mortes à l’attention des femelles de passage. Ces roulements de tambours, relativement discrets, provoquent des trains de vibrations dans la litière. Les femelles répondent aux mâles par d'autres vibrations, celles-ci plus douces et selon un rythme plus lent. C’est donc une forme de duo amoureux qui s’établit sur un lit de feuilles mortes. Cette séquence comportementale est un classique du rapprochement des sexes chez les animaux. La rencontre amoureuse repose sur des signaux sexuels, ici des percussions, qui permettent aux individus de se détecter, s'identifier et se localiser dans un environnement complexe, ici un amas de feuilles.

Ces tapotements fonctionnent comme des clés de reconnaissance. Les mâles de l’espèce A tapent différemment des mâles de l'espèce B si bien que l'espèce A ne se mélange pas l'espèce B. Le son assure donc des appariements entre individus de la même espèce, une nécessité évolutive pour la survie de la descendance. La structure, l'agencement, la forme des signaux sexuels servent aussi aux femelles dans le choix de leur partenaire sexuel. Ici, chez notre petite araignée, les femelles préfèrent conclure avec des mâles qui tambourinent vite, longtemps et fort. Un grand classique avant le mariage.

Est-ce que les mâles entrent donc en compétition pour séduire les femelles ? Cette compétition entre les mâles est une autre facette de la sélection sexuelle, ce processus évolutif darwinien qui régit la rencontre des futurs parents. Chez les cerfs, cela se règle par des brames et des affrontements à coups de tête et de bois - on en parlera dans une autre chronique. Chez l'araignée-loup, les règlements de compte entre mâles amoureux se résolvent également par des rixes et des tambourinements de rivalité, plus courts et plus intenses que les tambourinements de séduction.

Quand ils n'en viennent pas aux mains, les mâles produisent parfois leur tambourinements en groupe. Ces regroupements ne sont probablement pas le résultat d'une coopération - plus on est nombreux plus on aurait de chance de séduire - mais plutôt d'une compétition, chaque mâle tente de se faire entendre à la place des autres. 

Les araignées loups font-ils autre chose que de flirter comme cela toute la journée ? Oui, en effet, elles chassent aussi pour se nourrir. L'une de leur proie préférée est le petit grillon des bois, Nemobius sylvestris, que l’on peut entendre dans cet autre enregistrement de Marc Namblard. Quand l'araignée avance, notamment quand elle attaque ce grillon, elle déplace de l'air. Ce n'est pas vraiment un son mais plutôt une brise. Or le grillon possède à l'arrière de son corps une forêt de poils fins. Ces poils sont très sensibles aux mouvements de l'air. Leur flexion provoque immédiatement un mouvement de fuite, d'évitement du prédateur.

Et voilà comment en écoutant où l'on marche, on arrive à parler sexe, évolution, et sens du vent.

Fermez les yeux, ouvrez grand les oreilles, et ça ira beaucoup mieux.

Le son de la Terre, une chronique de Jérôme Sueur, bio acousticien au MNHN,  en partenariat avec le Muséum national d'Histoire naturelle et sa sonothèque. Enregistrements de Marc Namblard.

http://www.mnhn.fr

https://sonotheque.mnhn.fr

https://www.marcnamblard.frI

 

Publié le : 02/09/2020 11:19 - Mis à jour le : 08/09/2020 08:36

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