Le Son de la Terre est une chronique animée par Jérôme Sueur, écoacousticien à l’ISYEB, avec l’aide d’enregistrements des contributeurs de la sonothèque du Muséum national d’Histoire naturelle, d’audionaturalistes, et de scientifiques internationaux. Ces petits fragments d’histoire naturelle sonore mettent en lumière la diversité des comportements acoustiques de la vie animale et des paysages sonores naturels tout en dénonçant les activités humaines qui peuvent les affecter. De l’insecte à la baleine, des fonds marins à la canopée tropicale : les échos de la nature voyagent sur les ondes radio !
Aujourd’hui dans le son de la terre, une chronique de Jérôme Sueur en partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle , Il semble que l’on va se faire mouiller !
En effet, c’est le son d’une averse en forêt guyanaise enregistrée par Fernand Deroussen. Cette pluie intense si caractéristique des régions tropicales se fait souvent entendre avant de tout rincer sur son passage. Les paysages sonores naturels sont habituellement divisés en trois grands ensembles.
Premièrement, la biophonie qui regroupe tous les sons produits par les êtres vivants non-humains comme les oiseaux, les grenouilles, les insectes ou les mammifères. Deuxièmement, l’anthropophonie qui fait référence aux sons d’origine humaine - voix, musique, machines. Et enfin la géophonie qui comprend les sons naturels mais abiotiques comme ceux du vent, du ressac, des éclairs et de la pluie.
Est-ce que la pluie joue un rôle important dans les paysages sonores ? La pluie est une composante majeure des paysages sonores pour plusieurs raisons. Comme nous venons de l’entendre une pluie intense produit un son blanc, c’est-à-dire un son qui couvre à peu près équitablement toutes les fréquences, des graves aux aigus. Ce son est très contraignant pour les animaux car il génère un bruit de fond qui réduit les possibilités de communication. La plupart des animaux s’arrêtent de vocaliser quand il pleut : la géophonie contraint la biophonie.
Un exemple ? Nous avons vu la semaine dernière que les chauve-souris utilisent un sonar ultrasonore pour s’orienter et pour chasser. Voici un exemple de sonar de Molosse de Coiban (Molossus coibensis) enregistré également en Guyane par Jérémy Froidevaux et ralenti pour que l’on puisse l’entendre. Voler mauvais temps est coûteux pour les chauve-souris car l’orientation et la chasse sont perturbées par le bruit de la pluie. Mieux vaut donc rester à l’abri dans sa grotte plutôt que de se mouiller les ailes dehors. Des chercheurs du Smithsonian Tropical Research Institute au Panama ont observé que certains molosses retardaient leur sortie quand on leur diffusait des sons de pluie à l’aide de haut-parleurs. Les chauve-souris utilisent donc leur audition pour obtenir des informations sur la météo et prendre des décisions adaptées.
Mais est-ce qu’il n’y a pas quand même des animaux qui aiment la pluie ? Absolument, la pluie réveille et fait chanter aussi certains animaux. La géophonie stimule la biophonie. L’eau amollit les sols laissant sortir les larves des bruyantes cigales, elle remplit les cavités dans les plantes ou crée des mares temporaires dans lesquelles se complaisent les amphibiens, comme ces centaines de crapauds calamites (Epidalea calamita) enregistrés par Fernand Deroussen . Rafael Marquez et ses collègues du Muséum de Madrid ont démontré que les crapauds calamites sortent rapidement du sol où ils se sont enfouis quand on leur diffuse le son du martèlement de la pluie sur le sol, même s’il ne pleut pas. Ces amphibiens utiliseraient donc dans ce cas le son de la pluie comme un indice de conditions favorables. Ces sons relativement graves seraient perçus par deux parties de leur oreille interne, la papille et le sacculus, dont on peinait jusqu’alors à comprendre l’utilité. On y voit donc un peu plus clair dans le fond de l’oreille du crapaud.
Alors fermons les parapluies, sortons les bottes et écoutons les giboulées faire des claquettes sur le sol des forêts, ce sera bien. Le son de la Terre, une chronique de Jérôme Sueur en partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle.
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