Le Son de la Terre est une chronique animée par Jérôme Sueur, écoacousticien à l'ISYEB,  avec l'aide d'enregistrements des contributeurs de la sonothèque du Muséum national d'Histoire naturelle, d'audionaturalistes, et de scientifiques internationaux. Ces petits fragments d'histoire naturelle sonore mettent en lumière la diversité des comportements acoustiques de la vie animale et des paysages sonores naturels tout en dénonçant les activités humaines qui peuvent les affecter. De l'insecte à la baleine, des fonds marins à la canopée tropicale : les échos de la nature voyagent sur les ondes radio !

Nous sommes en Antarctique, le seul espace terrestre sans drapeaux ni frontières où les animaux, quoique maltraités par le vent et le froid, sont laissés en paix.

Cet enregistrement de Clément Cornec nous jette dans les vents catabatiques qui apportent froid et neige. Les conditions de vie antarctique sont extrêmes : le continent est un désert de glace où vivre est ne pas mourir.

Et pourtant, plusieurs millions d'oiseaux et de mammifères marins atterrissent sur les côtes pour s'y retrouver, s'y reproduire et y faire grandir leurs petits comme dans cette ambiance sonore estivale : 

Mais alors qui chante dans cette chorale animale ?

Dans cet enregistrement, on peut entendre des manchots d'Adélie (Pygoscelis adeliae), des pétrels des neiges (Pagodroma nivea) et des damiers du cap (Daption capense). Dans un espace où les repères visuels du paysage sont limités, le son joue un rôle primordial dans la rencontre des partenaires sexuels puis dans les retrouvailles entre les parents partis au large pêcher et les jeunes affamés restés à terre.

Le Manchot empereur (Aptenodytes forsteri), espèce animale emblématique de ces contrées extrêmes, est devenu un cas d'étude du rôle de l'acoustique dans la reconnaissance individuelle dans des colonies assourdissantes de centaines de milliers d'individus...

Comment font donc les manchots pour se retrouver dans ces conditions ?

Il y a quelques années, Thierry Aubin du CNRS a démontré avec une grande élégance expérimentale que le manchot est capable d'extraire des informations dans ces conditions acoustiques extrêmes. Cette capacité, connue sous le nom d'effet cocktail, repose sur un système double-voix complexe et redondant. Ce système génère des modulations d'amplitude et de fréquence qui sont spécifiques à chaque individu et qui se dégradent peu dans l'environnement encombré et bruité de la colonie.

Non loin des Manchots empereurs ronflent les phoques, notamment les phoques de Weddell (Leptonychotes weddellii) dont les mères et les jeunes sécurisent également leur rencontre par la voix : 

Les phoques de Weddell possèdent un très grand répertoire acoustique composé de près de 60 vocalisations, depuis des sons très graves, dans le domaine des infrasons à des sons très aigus dans le domaine des ultrasons.

Isabelle Charrier du CNRS à l'Université de Paris-Saclay enregistre aujourd'hui les productions sonores des phoques de Weddell sous l'eau en installant directement un capteur sonore sur les mères lorsqu’elles sont accompagnées de leurs petits. C'est sous l'eau que le phoque produit ces vocalisations hors-normes :

Il reste à coupler l'image au son à l'aide d'une caméra vidéo afin de pouvoir proposer des fonctions à ces cris fantomatiques qui résonnent dans les fonds Antarctiques.

Fermons les yeux, ouvrons les oreilles, écoutons l’Antarctique avant qu'il ne soit trop tard, ce sera déjà ça.

Le son de la Terre, une chronique de Jérôme Sueur en partenariat avec le Muséum national d'Histoire naturelle et sa sonothèque avec des enregistrements pour cette chronique de Clément Cornec et Isabelle Charrier

https://sonotheque.mnhn.fr/

https://www.clementcornec.com/

https://www.cb.universite-paris-saclay.fr/

Publié le : 11/01/2021 15:51 - Mis à jour le : 11/01/2021 15:52

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