Marc-André Selosse, Professeur à l'ISYEB présente chaque mercredi à 14h50 sa " Chronique du vivant" sur France Inter Il nous fait découvrir comment le vivant structure nos vies et notre environnement sous l'égide du Muséum national d’Histoire naturelle
Chaque jour, en allant au Jardin des Plantes, je passe devant la statue de Lamarck. Le socle proclame : « Au fondateur de la doctrine de l'évolution ». Eh oui, car si d’autres, comme Darwin, ont fait progresser les sciences de l'évolution, celles-ci sont nées en France, au siècle des Lumières !
A quoi servent ces sciences, aujourd’hui ?
Elles expliquent nos origines, la vie qui nous entoure et ses changements. Les sciences de l'évolution permettent d’anticiper. Par exemple, le remède au SIDA, la trithérapie, est basé sur un raisonnement évolutif. Face à ce cocktail de trois molécules la probabilité qu’un virus ait les trois mutations nécessaires pour survivre est si faible que… c’est un mur évolutif infranchissable.
Mais l’évolution pourrait servir ailleurs. Par exemple, notre utilisation actuelle des herbicides sélectionne rapidement des herbes résistantes ; nos prescriptions désordonnées d’antibiotiques sélectionnent des bactéries résistantes. Des approches évolutives éviteraient que nos actions se retournent contre nous le lendemain, en santé ou dans l’environnement.
Alors, il faut juste prendre l’évolution en compte ?
Pour cela, il faut aussi les enseigner : or, l'évolution et son enseignement ont perpétuellement été combattus par des fondamentalismes religieux. Les créationnistes, qui lisent littéralement la Bible, veulent empêcher son enseignement. En France, il a fallu combattre pour enseigner l’évolution ; ce n’est pas gagné ailleurs, comme aux Etats-Unis. Là-bas, des créationnistes protestants et une théorie dérivée, l’intelligent design, tentent de limiter l’enseignement des sciences de l’évolution.
Et chez nous, alors ?
C’est là où je veux en venir. Nous sommes tous sous le choc de l’assassinat de Samuel Paty – d’ailleurs, je voudrais dédier cette chronique à sa mémoire. Cet atrocité a révélé la difficulté d’enseigner la citoyenneté ; il montre l’exposition des porteurs de messages laïques et civiques face aux fondamentalismes. Or, les sciences de la vie et de la Terre (les SVT comme on dit) sont exposées depuis longtemps, quoique dans l’indifférence, aux fondamentalismes.
L’évolution est une cible du fondamentalisme islamique : en 2007, un défenseur turc du créationnisme avait inondé nos collèges et lycées de milliers d’envois gratuits d’un « Atlas de la création », richement illustré, visant à réfuter l’évolution. Les fondamentalistes sont préparés et financés pour ce qui est une guerre de communication ; ils devancent l’école dans les esprits de certains enfants. Cela explique des kyrielles de cours de SVT interrompus, de négations par des élèves et de relations tendues dans certaines classes. L’éducation sexuelle provoque d’ailleurs aussi des heurts. Les enseignants de SVT sont parfois en échec, voire en danger.
Mais que faire ?
Premièrement, en parler : c’est fait. Deuxièmement, développer la formation continue des enseignants pour comprendre les blocages et offrir des arguments bien éprouvés. Troisièmement, il faut débuter des enseignements de SVT dès le primaire, pour commencer « à temps ». Il faut aussi des heures pour passer le message, alors que les SVT ont un horaire ridiculement exigu dans le secondaire. Enfin, la question dépasse les SVT : il faut construire des équipes pédagogiques interdisciplinaires autour d’un projet commun, couvrant tout le cursus.
La science de l’évolution promet une nouvelle façon de gérer le monde. Elle est nécessaire pour former les citoyens, les informer dans leur santé et dans ses choix environnementaux. Mais hélas elle est devenue un de ces enseignements de la République qui passent mal et exposent ceux qui les portent.
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