Marc-André Selosse, Professeur à l'ISYEB présente chaque mercredi à 14h50 sa " Chronique du vivant" sur France Inter Il nous fait découvrir comment le vivant structure nos vies et notre environnement sous l'égide du Muséum national d’Histoire naturelle

Marc-André Selosse découvre la flore du Nouveau-Monde et revient sur l’abondance des fleurs rouges et orange, avant d'expliquer combien nos régions européennes sont fleuries de jaune, blanc, bleu, et d’un peu de rouge.

Le code couleur chez les fleurs : ici une fleur de Strelitzia reginae ou oiseau du paradis © Getty / kolderal

 ici une fleur de Strelitzia reginae ou oiseau du paradis

Il n’y a pas de fleurs orange chez nous ? 

Si, pour des plantes de nos jardins, toutes d’origine exotique, et de rares exceptions locales, comme le mouron des champs. Rien à voir avec la flore américaine ! Il semble que dette couleur soit lié à la présence d’oiseaux pollinisateurs, comme les colibris. Les plantes pollinisées par les oiseaux présentent plusieurs caractéristiques. Elles arborent les couleurs visibles par les oiseaux : rouge, violet ou bleu, comme par exemple les fuchsias de nos jardins, mais aussi fréquemment orange, comme les strélizias (ou oiseaux-de-paradis). 

Les fleurs sont portées sur un long pédoncule, sans quoi l’oiseau (qui fait du sur-place en butinant) s’empêtrerait dans le feuillage. Enfin, comme ces oiseaux (et leur vol sur-place) exigent beaucoup d’énergie, le nectar est abondant et très sucré : ouvrez une fleur de fuchsia, vous verrez. Ces particularités sont apparues plusieurs fois dans l’évolution des plantes (par exemple, celle de certains hibiscus), là où existent des oiseaux butineurs.

Des fleurs orange grâce aux insectes butineurs

Oui ! Des expériences ont été réalisées sur une plante américaine, Mimulus lewisii, dont les fleurs rouge-orange sont surtout visitées par des colibris : un mutant aux fleurs plus jaunes est visité 5 fois moins par les colibris et 74 fois plus par les insectes ! Car les insectes voient souvent moins bien le orange que d’autres couleurs. Les abeilles et autres hyménoptères voient le bleu, le vert et l’ultraviolet (ils voient le monde différemment de nous). 

La plupart des diptères pollinisateurs sont attirés par le jaune et le blanc. Dans le détail, chaque insecte a ses particularités : certains voient même le rouge et le orange ! Cela explique que dans les régions à fleurs orange, celles-ci sont visitées aussi par quelques insectes : localement, ceux qui voient cette couleur ont été sélectionnés. Mais la couleur orange est rarement présent dans les régions dépourvues d’oiseaux butineurs !

Les couleurs des fleurs diffèrent selon les endroits ? 

Dans une région donnée, toutes les couleurs florales possibles ne sont pas également fréquentes ; certaines sont surreprésentées (comme le bleu et le jaune chez nous), et d’autres sont rares ou absentes ! Il s’établit localement des dynamiques où les couleurs fréquentes sont renforcées : les animaux pollinisateurs qui les voient sont avantagés, et comme ils deviennent plus abondants, les fleurs qui ont ces couleurs sont mieux pollinisées. La sélection naturelle renforce donc certaines couleurs, mais pas les mêmes selon les endroits : par exemple, la présence d’oiseaux favorise le rouge et l’orange dès le départ. Ces différences colorées ont aussi été décrites pour les fruits, qui attirent les animaux qui dispersent leurs graines

Ainsi, les dialogues colorés entre animaux et fruits sont faits de dialectes différents selon les lieux ; il y a, si on pousse la métaphore, des patois colorés différents. Mais vous êtes-vous demandé la raison pour laquelle les fleurs utilisent des couleurs dans l’attraction des pollinisateurs ? On verra cela la semaine prochaine !

▶︎ La « chronique du vivant » de Marc-André SELOSSE, en partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle. 

LIRE - Retrouvez d’autres histoires de fleurs dans son livre "Les goûts et les couleurs du monde" (Actes Sud)

 
 

 

Publié le : 28/05/2021 14:32 - Mis à jour le : 03/06/2021 11:12

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