Marc-André Selosse, Professeur à l'ISYEB présente chaque mercredi à 14h50 sa " Chronique du vivant" sur France Inter Il nous fait découvrir comment le vivant structure nos vies et notre environnement sous l'égide du Muséum national d’Histoire naturelle

Dans la Chronique du vivant, aujourd'hui Marc André Selosse nous raconte les truffes comestibles. Elles sont la partie odorante de filaments reliés à aux racines des arbres.

 

 

 

 

Que sait-on exactement sur les truffes ? © Getty / Westend61

 

 

 

Les truffes c’est de saison ! Marc André Selosse nous raconte quelques travaux menés dans son laboratoire, avec des partenaires de l’INRA, sur les truffes comestibles : celles de Bourgogne et celles du Périgord. 

 

 

 

Pourquoi les truffes poussent-elles sous des arbres ? 

 

 

 

Le ministre prussien de l’agriculture posa, vers 1880, cette question à un biologiste, Albert Frank. Celui-ci découvrit que la partie microscopique de la truffe, des filaments souterrains, sont associés aux racines des arbres. Cette interaction, la mycorhize, est doublement vitale : les filaments du champignon aident les racines à se nourrir dans le sol, tandis que celles-ci leur fournissent des sucres. Les truffes, mais aussi les cèpes ou les girolles s’alimentent ainsi. Les filaments du champignon forment à la saison favorable une partie reproductrice massive et charnue.  

 

 

 

 

 

 

 

Pour la truffe, c’est l’organe noir, souterrain et odorant que nous mangeons sous le nom truffe. Il est bourré de spores, des petites cellules reproductrices qui peuvent germer et régénérer des filaments microscopiques. Son odeur attire les animaux qui le mangent, mais ne parviennent pas à digérer les spores : elles sont donc dispersées dans les crottes ! D’ailleurs, la truffe est peu nourrissante : elle manipule les animaux qui dispersent ses spores, à commencer par l’homme qui plante partout des arbres truffiers ! 

 

 

 

Donc on mange l’organe reproducteur de la truffe ?

 

 

 

Exactement ! Il se forme par l’union des filaments de deux individus du sol, qu’on sait distinguer génétiquement. De cet accouplement naissent les spores, qui sont leurs descendants et contiennent leurs gènes. Mais cette union est asymétrique. L’un des parents forme et nourrit l’organe reproducteur de la truffe et ses spores : on l’appelle la mère. L’autre n’est détectable que par ses gènes dans les spores : c’est le père. 

 

 

 

Les parents vivent dans le sol ? 

 

 

 

 

 

 

Un marché aux truffes, à Moussoulens, dans l'Aude

 

 

 

 

Sur les racines des arbres, on trouve les mères, qui y puisent les ressources nécessaires à leur reproduction. Mais jamais le père ! Au laboratoire, nous avons voulu localiser ces pères absents. Autour des arbres truffiers, la végétation est rabougrie et peu dense : on appelle cela le brûlé. Nous nous sommes donc demandé si les filaments du père ne parasitaient pas les racines des plantes du brûlé.  

 

 

 

Effectivement, des filaments de truffe colonisent les racines des plantes du brûlé, sous les arbres truffiers, et se nourrissent là en réduisant leur croissance. Cette découverte suggère d’améliorer la gestion des herbes du brûlé pour mieux nourrir les truffes. Mais… sur les racines des plantes du brûlé, comme sur celles des arbres, nous n’avons jamais trouvé que les filaments des mères, jamais ceux des pères !  

 

 

 

Mais alors, où sont les pères ? 

 

 

 

Nous pensons que des spores restées enterrées joueraient le rôle de pères. Nous avons en effet découvert que près de 40% des truffes restent dans le sol, non récoltées, sans qu’on sache trop pourquoi. Ces « oublis » accumulent donc des spores dans le sol. En germant, ces spores peuvent s’accoupler aux individus bien établis sur les racines voisines, qui seront capables de nourrir le fruit de cette union. 

 

 

 

 

 

 

Saint Jacques à la truffe

 

 

 

 

On ne produit pas encore les truffes en routine et cela explique leur prix. Mais rappelez-vous que c’est un condiment : même à 1000 € le kilo, assaisonner un plat de pâtes ou une salade avec 20 g pour une tablée coûte une vingtaine d’euros ! Dernière chose : l’odeur de la truffe craint la cuisson ; râpez-la ou effilez-là toujours crue. 

 

 

 

Bonnes fêtes de fin d’année ! 

 

 

 

C’était la « chronique du vivant » de Marc-André SELOSSE, en partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle et c’est à réécouter sur Franceinter.fr. 

 

 

 

 

 

 

 

Publié le : 23/12/2020 18:44 - Mis à jour le : 08/12/2022 12:20

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