Marc-André Selosse, Professeur à l’ISYEB présente chaque mercredi à 14h50 sa » Chronique du vivant » sur France Inter Il nous fait découvrir comment le vivant structure nos vies et notre environnement sous l’égide du Muséum national d’Histoire naturelle
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Pas mal d’huitres ont croisé nos fêtes de fin d’année, à leurs risques et périls… Je vais vous parler de leur couleur, vous savez, ce vert-brun qui parfois confine au bleu !
J’imagine que cela vient de l’eau où elles vivent ?
Oui ! Et plus particulièrement de ce qu’elles y mangent. Les huîtres se nourrissent en filtrant l’eau de mer, à proximité des côtes. Des étangs côtiers, comme l’étang de Thau, ou l’embouchure de fleuves, comme vers l’île d’Oléron, sont riches en sels minéraux. Cela fait proliférer les algues et les bactéries microscopiques du plancton dont se nourrissent les huîtres.
Comment les attrapent-elles ?
L’eau circule dans la coquille entrouverte. Des expansions de l’huître, qui ont la forme de jupons, filtrent cette eau : ce sont les branchies, qui prélèvent l’oxygène pour la respiration et retiennent les particules du plancton grâce au mucus qui les couvre. Les proies sont ensuite acheminées vers la bouche de l’huître.
Cette alimentation explique que les huîtres soient parfois toxiques et interdites à la consommation : en été, des algues toxiques pour l’homme peuvent proliférer et se concentrer dans les branchies ; lors de forte pluies qui provoquent le débordement de stations d’épuration, les huîtres peuvent contenir des contaminations fécales. Elles, elles n’en sont pas affectées, mais cela peut nous rendre malades !
Parmi les cellules du plancton retenues par les branchies, les algues sont colorées, en brun-jaune ou en vert : c’est la couleur de la chlorophylle et des carotènes qui leur permettent de capter la lumière pour leur photosynthèse !
Mais alors pourquoi certaines huîtres sont-elles bleutées ?
C’est dû à une algue du groupe des diatomées, la navicule ou Haslea ostrearia. Les diatomées sont des algues microscopiques, peu connues du public mais proches évolutivement des algues brunes, celles qu’on met sous le plateau d’huître ! Les navicules possèdent des carotènes dorés et un autre pigment bleu qui ne sert pas à la photosynthèse qu’on l’appelle marénnine. En effet, à Marennes d’Oléron, cette couleur se développe souvent, même si cela arrive ailleurs aussi.
A Marennes, les huitres sont affinées dans des bassins d’eau peu salée, appelés « claires » : c’est pourquoi on les appelle fines de claires. La couleur et le goût changent car le plancton y est différent de celui de la mer : il y a souvent des navicules qui bleuissent les branchies !
Mais quoi sert la marrénine ?
La marénnine est une sorte de tannin, sans rôle dans la photosynthèse. Elle protège l’algue contre l’excès de lumière en renvoyant le bleu et en absorbant les autres couleurs ! Elle est aussi antibiotique : libérée dans l’eau, elle élimine les autres algues !
Grâce à cela, la navicule est affranchie de ses compétiteurs et devient assez abondante pour colorer les huîtres.
On pensait autrefois que le bleuissement contribuait à affiner le goût des huîtres : mais il n’y a pas de lien direct, hormis que l’affinage et la coloration résultent tous les deux du passage en claires…
Ainsi, la couleur des huîtres est en fait celle d’algues microscopiques ! Une fois encore, le monde microbien explique ce qu’on observe à l’œil nu. Vous venez de découvrir des petites algues, les Diatomées, que vous croyiez ignorer. Mais vous les fréquentez plus que vous ne pensez : la semaine prochaine, vous découvrirez que vous en avez dans la bouche tous les soirs !
C’était la « chronique du vivant » de Marc-André SELOSSE, en partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle et c’est à réécouter sur Franceinter.fr.
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