Marc-André Selosse, Professeur à l’ISYEB présente chaque mercredi à 14h50 sa » Chronique du vivant » sur France Inter Il nous fait découvrir comment le vivant structure nos vies et notre environnement sous l’égide du Muséum national d’Histoire naturelle
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Les arbres sont à la mode : films, livres, documentaires… On en oublierait presque d’aller en forêt ! Mais mieux vaut faire vite, car les mauvaises nouvelles s’amoncèlent ; peut-être nos enfants ne verront-ils pas nos forêts…
Disons-le d’emblée, les arbres meurent de vieillesse à cause de champignons qui attaquent leur bois. Avec le temps, les vieux arbres deviennent creux et cassent au vent. Les arbres sont souvent exploités assez jeunes par les forestiers, avant d’être creux. Mais allez dans la réserve de Fontainebleau ou en montagne où les forêts ne sont pas exploitées, et vous verrez ces colosses cassés par le vent et couverts de champignons qui se délectent de leur crime !
Donc les champignons tuent les vieux arbres, et font place aux jeunes, où est la menace ?
Ces champignons-là, sont locaux : les arbres qui leur résistent dans leur jeune âge sont apparus en même temps qu’eux, en une lente et ancienne coévolution. Mais aujourd’hui, des champignons exotiques sont introduits, involontairement, avec du bois d’œuvre. Certains trouvent chez nous des espèces voisines de celles qu’ils infectaient chez eux : mais là, pas de coévolution préalable et parfois, nos arbres sont sans défense. La maladie de l’orme, venue d’Amérique, a supprimé les bosquets d’ormes de nos paysages ; le chancre coloré du platane, également américain, oblige à abattre les 42000 platanes bordant le Canal du Midi ; le chancre du châtaignier venu d’Asie a dévasté nos plantations vers 1950 ; on ne sait pas lutter contre la chalarose du frêne, asiatique aussi : l’Office National des Forêts recommande simplement… de ne plus planter de frênes !
C’est un problème mondial ! Nos phytophthoras européens, des parasites racinaires, détruisent actuellement les forêts australiennes et néo-zélandaises. La côte Est américaine abritait des forêts d’ormes et de châtaigniers dentés. A partir de 1900, une maladie de l’orme européenne a liquidé les premiers, et le chancre du châtaignier, arrivé d’Asie, a tué, dans les montagnes appalachiennes, 3 milliards d’arbres. Aujourd’hui, seule une centaine de châtaigniers dentés dépassent 60 cm de diamètre ! Ces forêts ont donc disparu, même des mémoires. Si les maladies issues de nos échanges commerciaux suppriment un à un nos arbres, nos enfants ne verront pas nos forêts. Tiens, achetez du bois local, ça évitera l’importation de maladies.
Mais pourquoi les arbres en particuliers ? Ils paraissent si robustes ?
Détrompez-vous, ce sont des colosses aux pieds d’argiles car ils évoluent lentement. Les arbres investissent considérablement dans la compétition pour la lumière : leur tronc couteux en ressources limite la production de graines. L’Arabette des Dames, une petite plante de 10 grammes, produit plus de 1000 graines par an. A poids équivalent, cela équivaudrait pour un chêne à mille millions de graines ! Mais le chêne, occupé à épaissir son tronc, ne produit « que » 5 à 10 000 glands seulement les bonnes années et seulement après trente ans ; sa croissance est prioritaire, pour se maintenir au-dessus des voisins.
Générations lentes et peu de descendants : c’est la fragilité des arbres. Car c’est parmi les descendants que peuvent se trouver des individus résistants aux champignons. Moins de descendants, c’est moins de chance qu’une résistance apparaisse. Surtout
face aux champignons qui se reproduisent et donc évoluent vite ! Les arbres trouvent moins rapidement la parade à une maladie introduite que les petites plantes annuelles, qui elles souffrent donc moins des auto-stoppeurs de nos échanges commerciaux.
La grandeur et les âges des arbres nous éblouissent mais ne soyons pas naïf. L’arbre cache (non pas la forêt) mais sa faiblesse : dans la nature, les plus grands ne sont pas toujours les plus forts !
C’était la « chronique du vivant » de Marc-André SELOSSE, en partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle.
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