Marc-André Selosse, Professeur à l’ISYEB présente chaque mercredi à 14h50 sa » Chronique du vivant » sur France Inter Il nous fait découvrir comment le vivant structure nos vies et notre environnement sous l’égide du Muséum national d’Histoire naturelle
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Ecouter le Podcast du mercedi 12 mai 2021
Marc-André Selosse, dans sa « chronique du vivant » en partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle, nous parle aujourd’hui de la toxoplasmose.
Vous connaissez cette maladie qu’on attrape en mangeant de la viande trop crue ou au contact des félins, comme les chats. La toxoplasmose est due à un organisme unicellulaire, le toxoplasma. Elle est bénigne, sauf lors d’une grossesse : le parasite peut alors passer dans le fœtus et provoquer des malformations du cerveau.
Comments’attrape exactement cette maladie ?
Eh bien, de deux façons. Soit en ingérant des aliments souillés par des excréments de chats contaminés : les rongeurs, rats et souris, et notre bétail se contaminent ainsi. Soit en mangeant des viandes contaminées par le toxoplasma – nous-mêmes et les félins comme les chats l’attrapons de cette façon. En Europe, la consommation de viande peu cuite, qui préserve le toxoplasma, explique les taux d’infections : moins de 30 % de la population en Scandinavie et au Royaume-Uni, mais plus de 50 % en Europe du Sud, notamment en France.
Le toxoplasma retrouve donc un chat à parasiter quand un rongeur contaminé est dévoré. Dans le rongeur, le toxoplasma migre vers le cerveau qu’il reprogramme pour augmenter la probabilité qu’un chat attrape l’animal : il provoque une baisse de réactivité et un attrait pour les odeurs d’urine de chats. Réfugié dans le système nerveux, le microbe « reprogramme » la réaction à ces odeurs en… une excitation sexuelle chez les rongeurs mâles ! Cela arrive aussi chez les primates : en Afrique, les chimpanzés mâles infectés sont attirés par l’urine des grands fauves ! Ca fait les affaires du toxoplasma, qui finit dans ces grands fauves…
Chez l’homme, le toxoplasma fait fausse route : il y a peu de chance de finir dans un chat, en effet ! Mais comme chez les rongeurs, il migre vers notre cerveau…
Dans notre cerveau ? Ya-t-il des dommages ?
Eh oui ! C’est comme cela qu’il peut perturber la formation du système nerveux du fœtus. S’il n’abime pas le cerveau des adultes, il en modifie le fonctionnement. Une étude des accidents de la route provoqués par des militaires tchèques avait révélé une surreprésentation de conducteurs porteurs du toxoplasma ! De fait, la contamination réduit légèrement la vigilance et augmente les temps de réaction – comme chez les souris. Autre détail semblable et amusant : les hommes infectés sont moins indisposés par les odeurs d’urine de chat que ceux qui ne sont pas infectés !
Des psychologues ont montré que le toxoplasma augmente (très légèrement) les risques de dépression ou de schizophrénie… Quant aux comportements relationnels, des tests psychologiques révèlent qu’il rend les hommes plus dominants, sans doute en augmentant la production de testostérone. Inversement, il rend les femmes plus confiantes et attentionnées ! Certains ont suggéré que cela contribuerait aux formes de domination masculine des sociétés latines : en effet, la toxoplasmose y est fréquente, on l’a dit, à cause de la consommation de viandes peu cuites, bien plus que dans les pays anglo-saxons et nordiques.
N’est-ce pas aller un peu loin?
On ne peut réduire à une cause aussi simple la structure et les abus de nos civilisations, c’est sûr. Mais nier qu’un microorganisme puisse nous manipuler, c’est juste ce qui a retardé la découverte des effets du toxoplasma, mineurs mais non neutres : pensez aux accidents de la route ! Et nier que cela puisse contribuer, parmi d’autres causes, à nos relations sociales, c’est refuser que nous soyons des animaux comme les autres. Notre culture et notre éducation ne suppriment pas toute notre part biologique… et cela implique une soumission aux lois microbiennes.
Le toxoplasma nous convie à une leçon d’humilité… car pour lui, nous ne sommes que des animaux, de médiocre qualité pour ce qui est de finir avalé par un chat.
C’était la « chronique du vivant » de Marc-André SELOSSE, en partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle et c’est à réécouter sur Franceinter.fr.
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