La biodiversité de Madagascar est foisonnante et de nombreuses espèces nouvelles restent à y découvrir. Dans cette étude portée par un chercheur de l’ISYEB, fruit d’une longue collaboration internationale entre le CNRS et des universités allemandes et malgaches, ce ne sont pas moins de six espèces de grenouilles nouvelles pour la science qui sont découvertes, par le biais d’une méthodologie intégrative croisant données moléculaires, morphologiques, bioacoustiques et géographiques.
A l’instar de la faune et de la flore Australienne, celles de Madagascar se sont diversifiées pendant des dizaines de millions d’années en vase clos. La diversité de l’île-continent est telle que son inventaire d’espèces s’accroit chaque année sans jamais ralentir. Près de la moitié des 400 espèces d’amphibiens endémiques de l’île ont par exemple été décrites après les années 2000.
Cette étude impliquant une large collaboration internationale s’est penchée sur le cas d’un genre de petites grenouilles (Gephyromantis) peuplant les forêts tropicales humides de l’Est de l’île. En se basant à la fois sur de nouvelles collectes sur le terrain et le ré-examen des spécimens de musées, les auteurs révèlent l’existence de six nouvelles espèces. Pour confirmer leurs validités, ce travail s’est appuyé sur une méthodologie intégrative croisant de riches jeux de données moléculaires pour mettre en évidence la présence ou l’absence de flux de gènes, mais aussi morphologiques, bioacoustiques (étude des chants des mâles) et biogéographiques (répartition). C’est notamment pour rendre hommage à la foisonnante biodiversité planétaire, autant vulnérable qu’indispensable à la prospérité de notre espèce, que les auteurs ont baptisé l’une d’entre elle Gephyromantis cornucopia, en référence à la mythologique corne d’abondance à laquelle se nourrit Zeus enfant.
Bien que cette étude contribue à faire avancer l’inventaire de la biodiversité de l’ile, celle-ci ne constitue qu’une goutte d’eau dans l’océan de la biodiversité planétaire. Chaque année, de 15.000 à 20.000 nouvelles espèces sont en effet décrites, soit environs une toutes les 30 minutes. Prés de 2 millions d’espèces vivantes ont été décrites au cours des trois derniers siècles, mais la tâche est loin d’arriver à son terme, puisque l’on estime que la planète hébergerait de 10 à 100 millions d’espèces eucaryotes. La sixième crise d’extinction majeure doit inciter la communauté scientifique à renforcer l’effort de recherche en taxonomie, afin d’accélérer l’inventaire du Vivant. Notre compréhension en temps réel d’une crise qui ne fait que commencer, ainsi que notre capacité à y faire face, dépendra inévitablement de la finesse des connaissances taxonomiques à notre disposition.