Le Son de la Terre est une chronique animée par Jérôme Sueur, écoacousticien à l'ISYEB, avec l'aide d'enregistrements des contributeurs de la sonothèque du Muséum national d'Histoire naturelle, d'audionaturalistes, et de scientifiques internationaux. Ces petits fragments d'histoire naturelle sonore mettent en lumière la diversité des comportements acoustiques de la vie animale et des paysages sonores naturels tout en dénonçant les activités humaines qui peuvent les affecter. De l'insecte à la baleine, des fonds marins à la canopée tropicale : les échos de la nature voyagent sur les ondes radio !
Ce son de baryton, qui fait résonner les forêts comme des cathédrales, c'est, vous l'avez deviné, le brame du cerf. A la saison du rut, les mâles adultes rugissent afin d'attirer, séduire et défendre les femelles. Le brame est, comme les bois du cerf, un ornement sexuel.
Il existe en acoustique une règle assez simple et relativement bien respectée : plus l'émetteur acoustique est grand, plus il produit facilement des sons graves. Mais, comme souvent en biologie, l'affaire est plus compliquée et on observe des espèces qui exagèrent. C'est le cas du cerf.
David Reby de l'Université de Saint-Etienne a montré que plus le brame est grave plus il retient l'attention des mâles rivaux et des femelles réceptives. Un mâle avec une voix grave a donc un succès reproducteur plus important. Les cerfs exagèrent ce trait comportemental en abaissant leur larynx dans leur cou augmentant d'autant la taille de leur pharynx. Plus le pharynx est grand, plus le brame est grave.
Cette exagération par un tour de passe-passe anatomique reste cependant honnête puisque la descente du larynx est contrainte par la taille du cou du mâle.
Les chasseurs qui organisent des concours d'imitation du brame avec des accessoires divers et variés - tuyaux, conches géantes, cornes, arrosoires - exagèrent aussi mais sont malhonnêtes puisque ici le but n'est pas de se reproduire avec une biche mais de l'abattre. Mais, c'est un autre débat.
Quel autre son entendons-nous souvent à l'automne ?
Le chant du rouge-gorge est un autre son typique de l'automne. En réalité, Georges le Rouge-Gorge est un des seuls oiseaux de nos contrées à chanter toute l'année.
Mais au fait, est-ce un mâle que nous entendons ? Pourquoi Georges le Rouge-Gorge et pas Georgette la Rouge-Gorgette ? Le rouge-gorge est une espèce monomorphique, c'est-à-dire qu'il n'est pas possible de faire la différence entre le mâle et la femelle : les deux sexes arborent la même tâche rouge sur le poitrail.
Le chant chez les oiseaux est souvent attribué par défaut aux mâles mais le chant des femelles existe en réalité chez 71% des espèces d'oiseaux chanteurs.
Et qu'en est-il alors pour le rouge-gorge ?
Le rouge-gorge est une de ces espèces chez qui le mâle et la femelle chantent. Chloris Maury, Fanny Rybak et Thierry Aubin de l'Université Paris-Saclay étudient justement le chant des femelles de rouge-gorge dans la vallée de Chevreuse, où vous faites peut-être du vélo le dimanche matin, Mathieu, ou Camille d'ailleurs. Car, après-tout pourquoi seuls les hommes feraient du vélo le dimanche matin ? Je ne sais pas, un a priori similaire à celui du chant des oiseaux.
Les différences acoustiques existent entre les mâles et les femelles mais sont très ténues et ne peuvent être identifiées à l'oreille. Mâles et femelles sont, par exemple, tous les deux capables de produire des notes successives très différentes avec des sauts de fréquence, ce qui donne cet aspect compliqué au chant.
La plus grande différence se trouve en fait dans les saisons de chant. Les mâles chantent essentiellement quand il est temps d'établir un territoire sexuel. Les femelles, elles, chantent surtout pendant l’automne et l'hiver quand elles défendent un territoire alimentaire.
Brame grave du cerf, chant aigu de la rouge-gorge : fermez les yeux, ouvres les oreilles, ça sent bon les champignons.
Le son de la Terre, une chronique de Jérôme Sueur en partenariat avec le Muséum national d'Histoire naturelle et sa sonothèque avec pour cette chronique des enregistrements de Fernand Deroussen.
À voir aussi...
- ImageLa chronique de Jérôme Sueur dans la terre au carré
Le son de la Terre : Les volcans
Lundi 28 juin à 14h50 - ImageLa chronique de Jérôme Sueur dans la terre au carré
Le son de la Terre : Des éléphants et des abeilles
Lundi 21 juin à 14h50 - ImageLa chronique de Jérôme Sueur dans la terre au carré
Le son de la Terre : Le vent
Lundi 14 juin à 14h50 - ImageLa chronique de Jérôme Sueur dans la terre au carré